La supercherie du nouveau super chéri des sondages
Depuis 6 mois on attend la surprise de cette présidentielle. Parce que, paraît-il, c’est une sorte de rituel immuable, les français sont d’incorrigibles farceurs qui décident de voter comme bon leur semble. C’est pour cela que tous les yeux sont rivés vers la montée spectaculaire de François Bayrou dans les sondages. La surprise, dit-on, c’est lui.
Pourtant le scénario était prévisible depuis plusieurs mois. Sa croisade contre TF1 et l’ « establishment » dont il fait pourtant partie, à une époque ou le PS et l’UMP étaient occupés dans leurs contradictions internes respectives, a percé la glace de l’indifférence.
Mieux, au fur et à mesure que se dessinait un duel féroce entre Sarkozy et Royal, deux personnages provoquant une irréversible acrimonie dans le camp d’en face, et, c’est là la particularité de cette élection, aussi dans son propre camp, un boulevard s’ouvrait pour l’atypique, bien qu’apparemment consensuel, François Bayrou.
Qui semble vouloir voter Bayrou, en dehors de l’électorat résiduel de l’UDF ? D’après les instituts de sondages, les classes moyennes à aisées, celles que l’on nomme les bobos.
Et effectivement, Bayrou, c’est un peu le candidat Naturalia, on ne sait pas vraiment si ça peut nous être bénéfique, mais ça ne pas nous faire de mal, et puis, c’est tellement plus chic de voter pour quelqu’un du terroir !
En se posant en gestionnaire comme un « bon père de famille », il rassure plus qu’il n’inquiète (alors que les Sarko Ségo sont « anxiogènes », c’est bien connu). Et puis il a 6 enfants ! c’est à la mode les enfants, les français n’arrêtent pas d’en faire !
C’est pourquoi après avoir détourné des voix à Royal, il commence maintenant à en piquer à Sarkozy. Bayrou rassure.
Petit aparté : Les 4 candidats pouvant espérer arriver au second tour sont tous catholiques. Néanmoins c’est François Bayrou qui correspond le plus à une image traditionnelle dela Famille. Sarkozyet Le Pen ont vécu tous deux un divorce, Hollande et Royal ont comme une sorte de hiatus : leur non mariage.
Bayrou, donc, bon père de famille, propose une gestion de la France économe : il faut réduire la dette. Avouez que le programme n’est pas très vendeur pour qui gagne le smic. En revanche, il séduit bien la frange de l’électorat soucieuse que « ça » ne dérape pas, sans que ça tombe dans la droite dure et libérale, terriblement opposée aux valeurs « bohème » un tant soit peu revendiquée.
Car l’habileté de Bayrou a été de dépoussiérer son image de démocrate chrétien un peu bigot. Déjà en se débarrassant de Christine Boutin. Puis en ayant perdu sans le vouloir tous les pontes UDF un peu trop « tradi », et au fond complètement nuls, Méhaignerie, Douste et j’en passe. Ce qui fait qu’à l’UDF, il ne reste plus grand monde, et qu’hormis Hervé Morin, Marielle de Sarnez et Jean Marie Cavada, on ne sait pas très bien de quoi est composé l’UDF. Ah, si, il y a bien Jean Christophe LAGARDE, le maire de Drancy, brillant orateur que l’on voit souvent sur les plateaux télévision. Il est juste à noter que ce monsieur a été un des 47 signataires en 2004 d’une proposition de loi visant à rétablir la peine de mort pour les terroristes. C’est dire qu’à l’UDF ce ne sont pas les derniers pour la déconne ! Soit, ce même Lagarde s’est empressé de faire oublier cette calamiteuse prise de position en votant l’inscription de l’abolition de la peine de mort dans la constitution il y a deux semaines. C’est qu’on le voit bien le bougre vouloir profiter de l’ascension de Bayrou - on dit « se placer »- et il ne fallait pas faire tâche. Bref François Bayrou, lui est « clean ». Il a évolué, et est prêt à reconnaitre une union civique entre homosexuels, et même à accepter l’adoption simple, ce qui est un pas de géant pour ce catholique pratiquant !
C’est là que l’on voit tout le pragmatisme du candidat centriste. C’est en le comparant à Nicolas Sarkozy. Je suis persuadé que ce dernier n’est pas opposé à l’adoption par les homosexuels. Mais il ne veut ni brusquer son électorat, ni encore moins ses soutiens anciens ou récents, dont la fameuse Christine Boutin.Alors que Bayrou a sûrement une conviction intime contraire à ce qu’il prétend, mais il a senti l’air du temps et compris qu’un centre ne pouvait exister que s’il était laïc.
Dès lors, nous pouvons prétendre que Bayrou sonne le glas dela Démocratie Chrétienne.
Mais, une fois ce constat fait, on ne peut que considérer l’indigence du programme Bayrouiste, dont les tenants économiques restent tout de même bien ancrés à droite. C’est que, dit le concerné, il ne faut rien promettre de ce qu’on ne peut tenir. Et, effectivement, de ce point de vue, c’est une belle réussite. Les diagnostics sont souvent justes, les remèdes faibles. Qu’importe au fond, se dit l’électeur, il y en a marre d’être déçu. Et le meilleur moyen de ne pas décevoir les gens, c’est de ne rien leur promettre !
En outre, voter Bayrou, pensent sûrement certains, c’est éviter un déchirement entre français, c’est le candidat de la réconciliation ! D’ailleurs, c’est dans son programme : on prend les meilleurs de chaque camp.
En vérité, Bayrou n’a que deux alternatives qui seraient de toute manière bénéfiques pour lui : soit il se retrouve face à Sarkozy au second tour, soit il soutient Royal s’il se retrouve troisième. Le pire scénario pour lui serait de se retrouver face à Royal, car alors tout l’UMP comme un seul homme s’acoquinerait avec lui. Et il risquerait de perdre de la crédibilité fraîchement acquise. A moins que boudeuse, l’UMP fasse perdre Bayrou comme Chirac a fait perdre Giscard en 1981.
Le candidat UDF devient scénariste à suspense – presque - malgré lui.
Mais au bout du compte, on sent bien que la Cinquième République, à laquelle pourtant il veut mettre fin, sert sa seule ambition : devenir Président dela République. Aidé d’un calendrier inversé par Lionel Jospin, qui eût mieux fait de se casser une jambe le jour où il a eu cette idée, François Bayrou a de fortes chances d’être notre prochain Chef d’Etat.
Ce ne serait pas pour me réjouir. Mais on aura échappé au pire. Tout Bayrou dans cette dernière phrase.