Des propositions logées à mauvaise enseigne
Je
n’ai pas regardé toute l’émission de lundi soir sur TF1 consacré à Nicolas
Sarkozy. J’ai été prié par ma conjointe, aussi peu sarko compatible que moi, de
mettre un dvd histoire de s’extirper à la fois du discours cent fois rabâché du
candidat UMP, ainsi que de l’apathie générale qui régnait dans ce panel bien
mollasson de « vraies gens ».
Néanmoins,
j’ai pu voir la première et la dernière demi heure de ce cirque, véritable
performance physique pour le candidat (Notons au passage qu’entre les primaires
socialistes, et ce genre d’émission où les candidats sont debout pendant plus
de deux heures, rien n’est épargné à ceux qui postulent à la magistrature
suprême, il existe comme une forme de bizutage un peu sadique, et pas forcément
nécessaire). Je ne parlerais pas de l’ensemble et je vais m’attarder juste sur
un point.
Lorsque
Sarkozy parle du logement, on a vraiment l’impression qu’il maîtrise son sujet
et qu’il propose des solutions concrètes.
Ainsi,
dit-il, 50 % (en réalité 57%) des français sont propriétaires de leur logement,
ce qui est peu par rapport à nos voisins. Vrai. Pourquoi ? Selon Sarkozy, c’est
parce que les français ne s’endettent pas assez, ils ne croient pas assez en
l’avenir. Ah. Ca se complique.
En
réalité, il y plein d’autres facteurs dans le fait que les français ne sont pas
propriétaires.
Il
y a déjà une très nette disparité ente Paris et la Province, il y a beaucoup
plus de locataires, en effet en Ile de France. (La part
de propriétaires s’élève à 80% en milieu rural périurbain, 74% en rural
éloigné, contre 45% pour Paris.) Assez normal, vu le prix de l’immobilier dans
la capitale et ses couronnes. Or l’île de France représente tout de même plus
de 20 % de la population.
Au contraire de nos voisins espagnols, qui sont les champions en terme d’accès à la propriété, cela fait peu de temps que la durée du crédit en France peut aller jusqu’à 30 ans, en Espagne on va même jusqu’à 50. Il est vrai que les Espagnols n’aiment tout simplement pas louer, et préfèrent, même en couple avec des enfants, rester chez leurs parents en attendant de pouvoir acheter. Peut-être faut-il voir là des différences comportementales culturelles.
Enfin, la flambée des prix de l’immobilier a très certainement freiné les ardeurs de certains. Et il faut comprendre que lorsque l’on s’endette, l’on n’a pas forcément envie de se retrouver loin d’un centre ville et des transports, seul choix possible pour un budget donné.
Bon. Ceci étant dit, quelle sont donc les solutions préconisées par Sarkozy ?
Il
propose que l’Etat puisse se porter caution pour un emprunt immobilier. C’est
louable, dirai-je sans jeu de mots. Sauf erreur de ma part, il est pourtant peu
fréquent que l’on demande à un tiers de se porter caution pour un prêt immobilier
(alors que c’est systématique pour une location !), il existe avant cette
demande, l’hypothèque, l'Inscription en Privilège de Prêteur de Deniers, voire des sociétés de
cautionnement. La caution solidaire peut être effectivement nécessaire si l’emprunteur
est en cdd, ce qu’a d’ailleurs dit Sarkozy le 5 février. En gros la caution de l’Etat permettrait aux
cdd d’acheter un logement. Formidable. Faut-il alors préciser que, si Nicolas
Sarkozy devient Président de la République, le CDD n’existera plus ? Il
sera remplacé par le fameux contrat unique. De deux choses l’une : soit il ne tiendra pas l’une des deux promesses,
soit il a prévu que son contrat unique sera tellement précaire qu’il sera
nécessaire que l’État puisse se porter caution pour éviter que le marché immobilier
se plante. À vous de choisir.
L’autre solution, c’est la déduction
des intérêts de l’emprunt sur la feuille d’impôts. L’idée n’est pas neuve. L’on
pouvait à une époque, déduire les intérêts sur le montant déclaré, et ce
pendant 5 ans (les intérêts étant plus élevés aux débuts du remboursement, ce n’était
pas négligeable). C’est une idée assez séduisante mais à qui profite-t-elle
vraiment ? 50% des foyers ne paient pas l’impôt sur le revenu. Autant dire
que pour eux, une telle mesure ne sert à rien. Il s’agit pourtant de la cible, puisque l’on veut que
tout le monde puisse devenir propriétaire. Bon, disons alors que cela va intéresser
les classes moyennes. Là encore, il y a des gens qui ne sont pas imposables. Je
vais prendre un exemple, le mien, vu que c’est à la mode. Un couple avec un
enfant en bas âge, locataires à paris. Revenus dans le tiers le plus aisé (quel
choc quand j’ai appris ça). Au défaut de place en crèche la solution envisagée
est la garde partagée à domicile. Nous pouvons déduire la moitié du salaire
versé à la nounou de nos impôts. Résultat : nous ne devrions pas être
imposable l’année prochaine et les trois suivantes, sauf augmentation considérable
de nos revenus. Donc pas concernés par la mesure Sarkozy , nous
resterons locataires. Si cette proposition est restreinte à l’achat d’un
logement principal, - comme ça devrait l’être sous peine de risque important de
krash immobilier - qui plus est au primo accédant, cela risque au total de
concerner peu de personne. Les tranches encore plus supérieures étant déjà, je
l’espère, propriétaires.
Pour finir, Sarkozy promet
qu’il n’y aura plus de restriction concernant les personnes malades qui veulent
prendre un crédit. Personne ne peut être contre ça. Reste à savoir comment il
va changer les procédures des banques et des assurances privées.
Voila donc l’exemple type
des fausses bonnes idées de Sarkozy. En réalité se cache juste l’idéologie du
bonhomme : une France de propriétaires, car la propriété est la base même
du capitalisme. Qu’importe pour lui que le logement est une urgence pour
beaucoup de gens qui se contenteraient déjà d’une location. Il faut travailler
plus pour gagner plus et devenir propriétaires. Cela ne répond pas au problème
du logement. C’est une vision idéologique.
Alors quand, de surcroît, les
moyens proposés risquent d’être peu efficaces, on sent que l’idéologie est en
amont de toute réflexion. Il aurait pu par exemple parler des frais de notaire
dont une bonne partie est reversée à l’Etat et qui sont exponentiels au prix d’achat.
Pourquoi ne pas les baisser eux ? Pourquoi ne pas baisser voire supprimer
la taxe d’habitation, impôt injuste par excellence ? Pourquoi ne pas
inciter fiscalement les propriétaires loueurs à louer moins chers ? Sont-ce des mesures trop à gauche pour
monsieur Sarkozy ? Seront-elles reprises par Ségolène Royal ?
PS : n’étant pas expert en droit immobilier, j’accepte que vous me corrigiez (mais sans flashball).