Laurent Fabius est-il un imbécile?
Je n’ai pas encore parlé des prétendants à la candidature socialiste. Comme je l’ai déjà dit, je suis adhérent du PS, et bientôt j’aurais un choix à faire que je n’ai pas encore fait. Néanmoins j’ai déjà choisi pour qui je ne voterai pas, et je vais essayer de dire pourquoi.
Ainsi, je ne voterai pas pour la candidature de Laurent Fabius. Et ce essentiellement pour une raison : il ne sera pas capable de gagner l’élection présidentielle. Néanmoins, je ne pense pas qu’il s’en sortirait plus mal que ses concurrents socialistes s’il devait accéder à la fonction suprême. Il a déjà exercé de hautes responsabilités, il connaît bien les rouages du système, peut-être trop. Il ferait sûrement une meilleure campagne que Lionel Jospin en 2002, mais faire pire, il est vrai, ce n’est pas facile. Fabius a quand même une certaine facilité pour parler en public, il fait partie des gens, comme François Hollande, qui s’en tirent mieux en meeting qu’à la télévision. Alors donc, pourquoi lui prédire aussi assurément une défaite ? à cause de ce que j’appellerais son impopularité organique.
Fabius traîne toujours dans l’opinion populaire l’affaire du sang contaminé, alors qu’il y a eu un non lieu. Mais on ne lâche pas comme ça un « responsable politique trempé dans des magouilles », même si il n’y a jamais trempé ! En même temps on lui a fait payer son retour à la rigueur des années 83-85. lI y a fort à parier qu’un premier ministre qui aurait fait baisser le chômage, augmenter le pouvoir d’achat et donner des congés supplémentaires n’aurait pas subi de telles foudres si jamais il y avait eu soupçon pour une affaire du même type que celle du sang contaminé.
Ce qui n’a pas redoré le blason de Fabius, même auprès de ceux qui n’ignorent pas son l’innocence dans l’affaire sus-citée, c’est son ancrage à droite du parti socialiste auquel il nous a habitué jusqu’en 2005. Ce qui en a fait la bête noire de l’extrême gauche, mais aussi de la l’aile gauche du parti.
Enfin, pour achever son déficit de notoriété, le revirement récent très « à gauche » de Fabius est perçu comme une posture opportuniste, et par la même bien peu crédible.
Sur ce dernier point cependant, il serait bon de s’attarder. Pourquoi en politique, plus qu’en tout autre domaine, changer d’avis est-il préjudiciable ? Je ne parle pas des brusques revirements pendant une législature (comme les 70% de GDF au public, par exemple), mais des évolutions notoires de ses convictions, lorsque la société et l’Histoire elles-mêmes montrent de réelles mutations. Combien de fois n’a –t- on entendu dans des micros trottoirs, ou pendant les repas familiaux, vanter une Arlette Laguiller ou un Le Pen, car au moins, eux, ils sont fidèles à leurs convictions (et qu’importe l’irrecevabilité de ces convictions) ! Ces personnes ne sont nullement effrayées de voir ces représentants politiques asséner les mêmes recettes depuis des décennies. Quelle drôle d’idée ne trouvez vous pas ?
Pis. Reconnaître ses erreurs d’appréciations en politique, ou reconnaître simplement que son opinion a changé est tout simplement suspect. Tant d’honnêteté n’est pas possible. Et comment pourrait-on être honnête, ma foi, lorsque l’on change ainsi de conviction ? C’est le serpent qui se mord la queue.
Il y en a pourtant un qui a bien su jongler avec de multiples revirements, c’est notre Président de la République. Nul doute que sur certains points, d’ailleurs, il a réellement changé d’avis. Je veux dire, profondément. Mais jamais il ne l’a avoué. Comme si l’aveu mettait plus en exergue la versatilité que le camouflage – souvent agrémenté d’un aplomb culotté. Chirac a même réussi à faire de ses contradictions sa marque de fabrique.
Chirac est bien français au fond. Car les électeurs français qui, visiblement, acceptent assez peu que leurs représentants politiques changent d’avis, sont pourtant champion toute catégorie du retournement de veste. Indécis jusqu’à l’isoloir, renvoyant sans cesse la majorité dans l’opposition, faisant et défaisant les tendances au gré des sondages, redonnant la majorité à De Gaulle 1 mois après avoir quasiment fait une révolution, s’abstenant aux législatives de 2002 un mois après s’être mobilisé au second tour des présidentielles pour faire un front républicain, votant non à la constitution après avoir voté oui à Maastricht (moi le premier), adorant ce qu’ils ont brûlé, brûlant ce qu’ils ont adoré, les électeurs français, versatiles à souhait, font de leur devise « seuls les imbéciles ne changent pas d’avis ».
Pour en revenir à Laurent Fabius, il aurait le toupet de leur faire croire qu’il n’est pas un imbécile. Mais ça ne prend pas. C’est peut-être que les Français doivent les aimer un peu cons leurs hommes politiques.